Histoire-Géographie

Témoin du XXème siècle

Par GERALDINE MARCHAIS, publié le jeudi 22 mars 2018 10:08 - Mis à jour le dimanche 1 juillet 2018 08:17

Témoin de la barbarie, de luttes et de Progrès, Simone Veil est décédée le vendredi 30 juin.

Matricule 78651:

Née en 1927, elle subit, avec sa famille, la discrimination antisémite dès 1940 avant d'être arrêtée par les Allemands. La mère et les filles sont déportées vers le camp d'Auschwitz-Birkenau, puis Mauthausen et Bergen-Belsen. SA mère y meurt du typhus.

Son père et son frère disparaissent dans les États baltes.

Survivante de la Shoah, elle prépare après son retour des études à Sciences politiques et devient magistrate.

 

Une combattante :

Sous la présidence de Georges Pompidou, elle devient la première femme secrétaire générale du conseil supérieur de la magistrature. En 1974, elle devient ministre de la Santé sous le gouvernement de Jacques Chirac. S'engage alors un combat d'une violence rare à l'Assemblée nationale sur le projet de loi sur l'avortement. Pour comprendre les conditions de ce débat, un retour en arrière s'impose dans la législation française du XX ème siècle :

  • En 1920, l'avortement est interdit et la contraception peut conduire à la prison.
  • En 1942, l'avortement est déclaré crime contre l'Etat et vaut à une "faiseuse d'anges" d'être guillotinée en 1943.
  • En 1967, le droit à la contraception est difficilement acquis; il suit le droit de travailler sans l'autorisation du père ou du mari ainsi que le droit de posséder un compte en banque.  4 ans plus tard, dans une période de luttes pour le progrès de la condition féminine, le Nouvel Observateur publie une pétition, le "manifeste des 343 salopes" qui reconnaissent avoir eu recours à l'avortement.
  • La Marche internationale des femmes pour l’abolition des lois contre l’avortement a lieu en novembre 1971. Elle rassemble des milliers de femmes et démontre la popularité des idées défendues au départ par des mouvements minoritaires.

C'est dans ce contexte de très fortes tensions que Simone Veil présente son projet.

Son but : s'adapter aux changements de la société et encadrer l'avortement pour éviter les séquelles liées aux avortements clandestins.

 

Elle suscite alors la haine, son immeuble est tagué, elle est insultée, menacée de mort et accusée par un député d'envoyer des embryons au four crématoire. Malgré cela, le 29 novembre 1974, le loi est votée provisoirement par 284 voix contre 189. Elle ne deviendra définitive qu'en 1979.

 

Européenne et attachée au rapprochement franco-allemand :

En 1978, elle se présente aux premières élections au suffrage universel du Parlement européen dont elle devient la Présidente en 1979. Elle occupe ensuite diverses fonctions au sein de cette institution jusque 1993.

Elle reprend ensuite des fonctions comme Ministre des Affaires sociales, de la Santé et de la Ville dans le gouvernement Balladur.  En 1998, elle est nommée Membre du Conseil constitutionnel pour neuf ans.

En 2010, elle est la sixième femme à entrer à l'Académie française. Elle rend alors hommage à ses parents dans un discours lors de la cérémonie d'intronisation. Sur son épée d'académicienne, était gravé son numéro de déportée à Auschwitz-Birkenau, 78 651, mais aussi le devise de l'Europe : « Unie dans la diversité »; sa vie.

Une vie remarquable pour un être dont la religion signifiait une condamnation à mort pendant la Seconde Guerre mondiale. Une vie remarquable pour un être dont le sexe signifiait moins de droits jusque dans les années soixante-dix. Une vie remarquable au service de la dignité humaine et du progrès. Un modèle à suivre et des acquis à protéger...